Lovely Ugly

Lovely Ugly

Chapitre 27 : Waiting Game

Chapitre 27 : Waiting Game

 

 

Kay

 

Trois heures plus tôt

 

  • Kay ? Bon sang, ça fait des heures que je te cherche !

J'étais prostré dans un canapé, ressassant mes idées noires. Quand nous étions revenus du centre commercial, j'avais été à deux doigts de péter un câble. Vraiment cette fois.

Alors, pendant que mademoiselle se faisait pomponner pour son rendez-vous galant, j'étais parti explorer la maison. À vrai dire, j'espérais surtout m'éloigner assez d'Elexa pour ne pas dire quelque chose que je n'aurais pas pensé.

Sans m'en rendre compte, je m'étais tout d'abord rendu dans cette grande salle où je l'avais trouvé. Je n'y avais pas fait attention la nuit précédente, pourtant, quand j'allumais la lumière, je compris qu'il s'agissait d'une salle de danse. J'étais sûr d'avoir déjà vus ces petits rondins de bois dans les films.

Des tas de documents étaient éparpillés partout dans la salle. Des dossiers médicaux, des actes de naissance, et toute sorte de papiers administratifs. Ainsi que des photos. Des dizaines et des dizaines de photos. Je m'emparais machinalement d'une qui se trouvait à mes pieds, sur laquelle apparaissaient un couple et un enfant. Je ne doutais pas un seul instant que la petite était Elexa. Ces grands yeux singuliers ainsi que ces cheveux dorés me le prouvaient.

Je m'attardais sur le couple. La femme ressemblait comme deux gouttes d'eau à Elexa. C'était, sans contexte possible, sa mère. Ainsi, l'homme devait être son père. En dehors de ses lèvres pleines, Elexa n'avait rien pris de lui. Bruns aux yeux marron, il était très grand et mince, pas vraiment un canon de beauté. Néanmoins, il dégageait quelque chose qui inspirait la sympathie.

Malgré les yeux fatigués de la mère d'Elexa, tout le monde souriait. L'amour qui se dégageait du cliché était presque étouffant tant il était intense. Ils étaient heureux. Je doutais qu'on puisse porter plus d'affections à son enfant.

Et pourtant, il l'a abandonné à sa tante.

Me promettant de revenir nettoyer tout cela plus tard, je sortis de la pièce, la refermant derrière moi.

Finalement, j'étais monté au troisième étage -avec autant de niveau, n'étions-nous pas censé appeler cela un immeuble ?- et avais découvert d'autres chambres, des salles de bains ainsi qu'un grand séjour. Encore un.

Alors que je pensais échapper aux retrouvailles passionnées d'Elexa et de son ex -peut-être pas si ex, en fin de compte- Mei m'avait trouvé et raconté tous les détails. Elle se bornait à me faire comprendre qu'Elexa était anxieuse parce qu'elle ne voulait pas vraiment aller avec lui, que le regard qu'elle lui avait lancé quand elle était partie était presque suppliant et que le ton qu'elle avait employé pour parler à Vlady était plus que cassant.

  • Pourquoi me dis-tu tout ça, Mei ?

  • Ce n'est pas évident ?

  • Pas vraiment, non.

Elle m'observa en silence et haussa un sourcil dubitatif.

  • La façon dont vous vous ignorez, vous retrouvez et vous engueulez ? La façon dont vous vous regardez, vous touchez, vous provoquez ? La façon dont vous vous frôlez sans le voir. Vous aimez croire que vous vous détestez, mais la vérité, c'est que tu arrives à la comprendre alors que personne n'y arrive. Même pas moi alors que je déploie des efforts surhumains pour y parvenir...

Je la regardai, les yeux écarquillés de stupeur. Je cherchais dans ma tête si ce qu'elle avait dit pouvait être vrai.

  • Et au fait, je crois que la réaction que tu as eue tout à l'heure, c'est ce qu'on appelle une crise de jalousie.

Je grognai. Je n'avais pas besoin qu'elle me rappelle cet épisode. Je ne voulais pas penser à elle et lui. Ensemble.

  • Et quand vous avez cru que je ne vous voyais pas, cette réaction-là, c'est du désir. Je n'en ai aucun doute, tu peux me croire.

Les paroles de Mei me rappelèrent la robe presque indécente qu'elle avait choisie. Rien que de l'imaginer dedans, mes pensées s'emballaient. Je soupirai bruyamment.

  • Je crois qu'il va me falloir un verre pour parler de ça.

 

 

***

 

Ma bouche était sèche et pâteuse et je sentais que mon cerveau fonctionnait au ralenti. Je savais que ce n'était pas le moment de discuter, les mots allaient dépasser nos pensées et rien de bon n'en découlerait. Pourtant, Elexa continuait de me bombarder de questions, sa colère augmentant à chacune d'elles.

  • Qu'est-qui t'as pris de te saouler comme ça ? Ça faisait trop longtemps que tu n'avais pas fait de connerie ?

Les trois pas que je fis en sa direction réduirent l'espace entre nous jusqu'à ce qu'il se compte en centimètre. J'étais face à elle, les yeux plongés dans ses pupilles énervées.

  • Tu veux savoir pourquoi j'ai bu ? Tu veux vraiment savoir ?

  • Oui.

Il n'y avait pas l'ombre d'une hésitation dans son ton. J'aurais préféré.

  • J'ai bu parce que ça m'a tué de savoir ce que tu avais dû traverser. J'ai bu parce que tu es partie avec cette enflure qui t'a déjà blessée. J'ai bu parce que l'imaginer poser ses sales pattes sur toi m'a rendu fou. J'ai bu parce que j'en ai marre de penser sans arrêt à toi. J'ai bu parce que je n'ai qu'une envie, c'est de t'embrasser jusqu'à ce que tu ne puisses plus respirer. J'ai bu parce que j'ai de plus en plus besoin de te sentir contre moi. J'ai bu pour oublier que tu ne seras jamais à moi.

Mon ton avait augmenté crescendo durant ma tirade jusqu'à ce que je hurle. Elexa, elle, n'avait pas pipé mot et me regardait avec de grands yeux ébahis. Elle était si proche. Il aurait suffi que je me penche pour enfin capturer ses lèvres qui m'avaient tant manqué. Et pourtant, la dernière fois que je les avais eues sur les miennes ne datait que de ce matin.

J'étais complètement accro.

  • Voilà, soufflai-je, pourquoi j'ai bu.

Ses yeux n'avaient pas quitté les miens, mais son expression avait changé. Elle n'était plus en colère, certes, mais j'aurais préféré. Les émotions qu'ils reflétaient à cet instant était bien plus dur à supporter : la stupéfaction, l'anxiété et le pire de tous, l'indécision.

Je fermai les yeux et soupirai. J'avais complètement dessoûlé à présent.

  • Oublie ce que je viens de dire.

  • Tu te fous de moi ? Comment tu veux que j'oublie un truc pareil ?

Son ton était doux, presque suppliant. Je savais que je ne devais pas parler ce soir. C'était une mauvaise idée. Je n'aurais pas dû, je...

Soud ain, une pression sur mes lèvres me ramena à la réalité. Avant même de comprendre ce qu'il m'arrivait, mes mains enserrèrent sa taille, ma langue joua avec la sienne et mon cœur s'emporta dans ma poitrine. Lorsqu'elle s'écarta pour reprendre sa respiration, je posai des yeux remplis d'admiration sur son visage. Dieu qu'elle était belle.

Je la plaquai contre le mur le plus proche et pris sa bouche tout aussi sauvagement. Je la voulais tout entière, avec ses défauts, ses qualités, son passé, son présent et surtout son futur. Je n'en pouvais plus d'attendre.

Quand je passai mes mains sous sa robe, ses jambes s'enroulèrent autour de moi, me pressant encore plus contre elle. Je caressais le moindre centimètre de peau à ma disposition, rêvant du moment où je pourrais l'admirer entièrement. Ses lèvres étaient tout aussi avides que les miennes, me mordillant, me léchant, me torturant jusqu'à ce que je perde la tête. Ses petites mains fourrageaient dans mes cheveux, effleuraient mes bras et quémandaient mon corps en tirant sur mon tee-shirt. Je le lui accordais volontiers, m'écartant pour retirer cette barrière de tissu, ses yeux désireux explorant mon torse. Je profitais de l'infime espace nous séparant pour lui retirer sa robe.

J'eus le souffle coupé.

Elle ne portait pas de soutien-gorge. Seule une fine culotte en dentelle noire m'empêchait de l'admirer entièrement. Pourtant, je ne me gênais pas de m'abreuver de la vision de son corps presque nu.

  • Kay...

Sa voix rauque me ramena à la réalité. Je relevai les yeux sur son visage, m'extasiant devant ses lèvres rougies sous mes baisers, ses yeux noircis de désir et ses cheveux dorés en bataille. Une magnifique palette de mille nuances qui finit de m'achever.

  • Embrasse-moi.

 

 

***

 

Une douce lumière filtrait de la fenêtre. Le jour s'était levé depuis bien longtemps, mais aucun de nous souhaitais sortir du cocon chaud dans lequel nous nous trouvions. Lovée contre moi, Elexa ne disait rien. Regrettait-elle ? J'espérais que non car il me serait impossible de faire machine arrière à présent. Mon corps et mon cœur la réclamaient sans arrêt, je ne pouvais pas m'empêcher de la toucher. Tendrement, je déposai un rapide baiser dans son cou. Elle soupira et se tourna face à moi. M'habiturais-je jamais à sa beauté ?

Elle prit mon visage en coupe et m'embrassa, comme si tout ceci était normal, presque habituel. J'avais beau avoir martyrisé ces lèvres pulpeuses toute la nuit, je ne me lassai pas de les sentir sur moi. Alors que nous étions encore perdus dans les brumes du sommeil, Elexa vint rompre cet instant magique.

  • Qu'est-ce que nous venons de faire... soupira-t-elle en s'éloignant de moi.

Ce n'était pas une question, plus une constatation à laquelle elle attendait une réponse. Je resserrais mon étreinte autour de son corps chaud et l'empêchais de s'éloigner de moi. Pas encore, plus jamais.

Bordel, c'est que tu deviens sentimental...

  • Ce n'est sûrement pas le moment de balancer des trucs pareils.

  • Et qu'est-ce que je suis censée dire alors ? ''Cool, vivement la prochaine !''

  • Ça serait beaucoup mieux en effet, je souris.

  • Imbécile, rit-elle en me lançant son petit poing dans le ventre.

Je me relevai d'un coup et la clouai au matelas. D'humeur taquine, je me penchai vers elle, effleurant mes lèvres des siennes sans jamais l'embrasser. Je continuai ma douce torture le long de son cou, sur ses épaules, sa poitrine... Je m'arrêtai quand ces soupirs se firent plus fort.

  • Alors, chuchotai-je dans le creux de son oreille, ça fait quoi de frapper un mur ?

Elle pouffa et, d'un coup de hanche, me déstabilisa. Elle inversa nos positions et ce fut à elle de me dominer de toute sa hauteur. Elle emmêla ses mains aux miennes et déposa un rapide baiser sur mon nez.

  • Je pensais que ce serait plus dur.

  • Tu ne trouveras jamais plus dur que moi.

Pour prouver mes dires, je basculai mon bassin vers elle pour qu'elle puisse sentir l'effet qu'elle avait sur moi.

  • Kay ! Cria-t-elle, mortifiée.

J'éclatai de rire devant son visage écarlate tandis qu'elle se dégageait, emportant toutes les couvertures avec elle.

  • C'est pas possible, tu es bien une fille ! Ramène les draps par ici !

L'œillade malicieuse qu'elle me lança à ce moment-là fit vibrer tout mon être. Je restai cloué au lit pendant qu'elle se dirigeait vers la salle de bains enveloppée dans la couette.

Je me reposai sur le matelas et passai une main dans mes cheveux ébouriffés. Ébouriffés par de petites mains qui y avaient fourragé toute la nuit. Un sourire s'épanouit sur mes lèvres sans que je puisse le retenir.

Je l'avais eu pour moi toute la nuit et il me semblait maintenant impossible d'être autrement qu'avec elle. J'avais besoin d'elle avec moi, contre moi, en moi. Je voulais la serrer dans mes bras, l'embrasser, sécher ses larmes, la faire rire, la rendre heureuse.

Plus que tout, je voulais qu'elle m'aime autant que je l'aimais.

Car là était la réalité, je l'aimais.

Mon Dieu, si je disais ça à Jude, il n'y croirait jamais.

Je bondis du lit et fonçai à la salle de bains qu'elle n'avait, comme d'habitude, pas fermé à clé. J'entrai sans frapper et, comme quelques semaines plus tôt, admirai l'eau ruisseler sur son corps parfait.

  • Kay ! Hurla-t-elle. Tu n'as toujours pas appris les bonnes manières bon sang !

  • Si, mais avec toi, j'oublie tout...

Elle essayait de cacher son corps avec ces petites mains, mais c'était peine perdu. Plus que quiconque, je tenais à connaître ses courbes par cœur, jusqu'à ce que je sois capable de le reproduire les yeux fermés.

  • Mais arrête un peu de me dévisager ! Sors d'ici !

  • Je ne te dévisage pas, je t'envisage.

Elle rit à la mention de ce que je lui avais dit il y a de ça quelques jours. Son rire était le plus beau son que je n'avais jamais entendu.

Lentement, je me rapprochais d'elle jusqu'à me glisser avec elle sous la douche. Je collai son corps chaud contre le mien et l'embrassai à pleine bouche. Elle me rendit mon baiser avec le même engouement, la même passion.

J'étais accro.

 

***

 

La sonnerie du téléphone résonna dans le silence de la nuit, comme une alarme qui me rappelait à l'heure. Je me détachai d'Elexa que je n'avais pas lâché de toute la journée. À peine le contact rompu entre nous que j'en ressentais le manque. Un frisson me parcourut tandis que je sortais du lit, me hâtant de décrocher le combiné. Après tout, il n'y avait qu'une personne qui pouvait appeler à quatre heures du matin.

  • Linaëlle ?

  • Ah ! Ce n'est pas trop tôt ! J'ai cru que tu ne décrocherais jamais !

  • Excusez-moi, j'étais... occupé.

Je souris. Regarder Elexa dormir était devenu ma nouvelle activité préférée.

Il ne faut pas que j'avoue cela à Jude, il se moquerait de moi pendant des jours...

  • Alors, tout va bien ? Tu n'as rien à me dire ?

Était-elle déjà au courant ? Comment c'était possible ? Y avait-il des caméras dans la maison ? J'observais machinalement le plafond à la recherche d'un voyant rouge qui me mettrait sur la piste.

  • Et bien, Elexa ne t'a pas parlé d'un rencard ?

Je faillis m'étouffer avec ma salive. Mais de quoi... Soudain, je réalisais. Elle devait parler de son rendez-vous avec Vlady.

Elle n'en a pourtant pas parlé au téléphone la dernière fois...

  • Disons... Ça ne s'est pas vraiment passé comme prévu...

  • Elle n'a pas voulu y aller, c'est ça ? Non, je sais ! Il a repoussé la date ? Dis-moi qu'il a repoussé la date ! Mais arrête ce suspense Kay ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

  • Linaëlle, je ne comprends rien à ce que vous me dîtes ! Vous étiez au courant pour son rencard avec Vlady ?

  • Bien sûr ! C'est moi qui l'ai organisé !

Je faillis échapper le combiné sous le choc.

Hey, tout le monde !!!!!! Oui, j'ai un tout petit peu de retard..... Le dernier chapitre date du... 13 septembre ! 0.0 Presque deux mois dis donc !!! Il me semble que je vous dois des excuses, plus que ça même ^^" Ne me tuez paaaaaas !!!! Pour ma défense, j'ai vraiment un emploi du temps surchargé et je n'ai pas une minute pour moi ! Je vais faire de mon mieux pour que le prochain chapitre arrive plus rapidement !!

Un grand merci pour tous vos commentaires qui me font énormément plaisir (et auxquels je n'ai pas pu répondre, je vais essayer de me rattraper pour cette fois) et pleins de bisous à vous tous !!! :D

J'espère que vous aurez apprécié ce chapitre :S


16/11/2014
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Chapitre 26 : Don't

Bonjour à tout le monde !! J'espère que tout va  bien, que la rentrée c'est bien passée pour les concerner ! ^^

De mon côté, je ne vous cache pas que c'est très très dur de se trouver un trou dans l'emploi du temps pour écrire... >.< [Oui, j'essaie pas là de justifier mon retard... En toute discrétion... Ça passe ?]

Bref, voilà le nouveau chapitre, j'espère qu'il vous plaira !! :D

Bonne lecture ^^

 

 

Chapitre 26 : Don't

 

 

??

 

Ne me touche pas.

Ne me regarde pas.

Ne cherche même pas à m'approcher.

 

Ne me souris pas.

Ne m'enlace pas.

N'essaie surtout pas de me faire rire.

 

Ne prends pas soin de moi.

Ne m'embrasse pas.

Ne tente surtout pas de m'aimer.

 

Ne le fais pas, je t'en prie. Je ne le mérite pas. Je n'ai pas le droit de me laisser bercer dans toute cette lumière que tu m'envoies. Je ne peux pas me permettre de me laisser aller. Je suis dangereuse. Je peux faire mal. Je suis folle.

Je ne peux pas, ne serait-ce qu'oser, éprouver des sentiments.

 

 

Elexa

 

Mes paumes étaient moites et le rouge qui faisait briller mes lèvres allait bientôt disparaître si je continuais à les mordiller si fort. Comme la dernière fois, Mei s'était occupée de moi. À la différence que je m'étais laissé faire. Chaque centimètre carré de ma peau y était passé, de même que mes cheveux et mon visage. J'étais coiffée, maquillée, parfumée.

Tout au long de ses opérations, elle n'avait cessé de me questionner pour savoir si j'étais sûre de moi ou si j'avais quelque chose à lui dire. Je tins ma langue et acquiesçai à chaque fois. Je n'allais pas me défiler.

Et pourtant, alors que j'attendais que Vlady arrive, je n'étais plus aussi confiante. Arriverai-je à lui tenir tête ? À lui faire comprendre que je n'étais plus la petite fille fragile qui avait besoin d'un point d'ancrage ?

Et n'étais-je vraiment plus cette personne ?

Kay, lui, avait disparu à peine nous étions rentrés. Je l'avais cherché partout, mais il était demeuré introuvable. J'aurais voulu m'expliquer avec lui avant de partir, mais il en avait décidé autrement.

Quand on frappa à la porte, je crus que mes jambes allaient se dérober sous moi. Mei me lança un regard inquiet mais je la rassurai d'un signe de tête et allai ouvrir. Vlady se dressait devant moi, fier et plein d'assurance malgré  son visage amoché et son bras dans le plâtre. Si cette scène s'était déroulé deux ans plus tôt, je lui aurais sauté dans les bras, l'aurais embrassé à perdre haleine et aurais maudit pendant des heures l'homme qui lui avait fait du mal. Les choses avaient bien changé...

  • Elexa.

  • Vlady, fis-je, une pointe d'amertume dans la voix.

Je lui passai devant et après un dernier coup d'œil à Mei, lui rappelant de rester tant qu'elle le souhaitait, fermait la porte derrière moi.

Nous montâmes dans son Audi en silence et commençâmes à rouler. J'aurais été plus tranquille de conduire moi-même, étant donner qu'il ne pouvait bouger qu'un seul bras, mais je doutais fortement qu'il me laisse le volant. Était-ce seulement autorisé de conduire dans cet état ?

  • Où va-t-on ?

  • Tu es très belle, me dit-il au même moment.

Je décidai de ne pas répondre et d'attendre sa réponse. Il soupira.

  • La soirée ne va pas être très agréable si tu boudes tout du long.

  • Je ne suis pas venue passer une soirée agréable, contrai-je.

  • Non, tu es venue pour protéger ton petit ami.

  • Si c'était effectivement mon petit ami, tu serais un sacré connard de m'avoir quand même demandé un dîner.

  • Ce ne l'est donc pas ?

  • Ça ne te regarde pas.

Il rit et jeta un regard dans ma direction.

  • Et qu'est-ce qui me regarde, alors ?

  • Me concernant ? Rien.

  • Très bien. Alors pourquoi es-tu quand même venue ?

Parce que j'en ai marre de vivre comme quelqu'un de déjà mort.

  • Tu l'as dit toi-même. Je ne veux pas que Kay ait d'ennui à cause de moi.

  • À cause de toi ? C'est ça qu'il te fait croire ? Que c'est ta faute s'il est violent ?

Je ne répondis pas, me contentant de regarder le paysage défiler par la fenêtre.

  • Ce gars ne te mérite pas. Il n'est pas fait pour toi.

  • C'est vrai qu'un copain infidèle, c'est beaucoup mieux.

Il roula quelques instants en silence, se gara sur le côté et se tourna finalement vers moi.

  • J'ai fait une connerie, Elexa. Une énorme connerie. Mais je suis prêt à tout pour me faire pardonner.

  • Une connerie de deux ans.

  • L'important c'est que je l'ai réalisé, non ?

  • Non. L'important c'est que tu aies été assez stupide pour croire que j'allais te pardonner.

Je descendis de voiture et claquai la portière violemment.

 

 

***

 

Je m'installai à la table que le serveur nous avait indiquée, persuadée que j'étais en train de faire une bêtise monumentale.

  • Que ce soit clair, je ne vais pas m'éterniser. Je veux seulement clarifier deux-trois choses.

  • Je sais. Tu vas quand même prendre un plat de lasagnes, non ? J'ai vu qu'ils en servaient.

Je serrai les dents. Apparemment, il était déterminé à me faire comprendre qu'il me connaissait bien. C'était mon plat préféré.

  • Non. Je vais me contenter d'une salade.

Il me regarda et haussa les épaules. Je décidai d'attaquer.

  • Tu connais Mei Objoie ?

Il s'étouffa en avalant la gorgée de vin que le garçon venait de lui servir et reposa le verre brusquement.

  • J'imagine que j'aurais dû m'en douter quand je l'ai vu avec toi.

Je ne répondis pas et attendis qu'il rajoute quelque chose. Il soupira.

  • Une autre des erreurs que je suis venue me faire pardonner.

  • J'espère que tu as pris un carnet. La liste est sacrément longue.

  • Cela reste ce que c'est, Elexa. Des erreurs.

Malgré ses belles paroles, je le détestai un peu plus de ce qu'il disait de Mei.

  • L'erreur, tu l'as fait souffrir autant que moi. Je n'aime pas la façon dont tu la traites.

  • Je n'y crois pas ! Rit-il. Vous êtes amies ?

  • Cela ne fait pas partie des choses dont je veux parler avec toi.

  • Alors de quoi veux-tu parler ? Elexa, je suis désolé. Je m'en veux d'une façon inimaginable. De te voir avec lui, cracha-t-il comme si sa seule pensée le dégoutait, ça m'a ouvert les yeux. Je tiens à toi, plus qu'à n'importe qui d'autre.

Le serveur arriva juste à ce moment-là, m'épargnant de répondre à son discours troublant, et disposa nos commandes sur la table. Il nous souhaita un bon appétit et s'éloigna sous le regard noir de Vlady.

  • Iris, embrayai-je, comment cela a commencé ?

  • Tu veux vraiment que je te le dise ?

Peut-être pas, en fin de compte.

  • Oui.

  • Très bien. Nos parents se connaissaient, on s'est croisé plusieurs fois, jusqu'à...

  • Jusqu'à mon anniversaire, lâchai-je, amère.

  • Ce n'était pas comme avec toi... Rien ne sera jamais comme avec toi.

  • Épargne-moi tes belles paroles, je t'en prie. Elles ne prennent plus.

  • La seule chose que tu dois savoir, reprit-il, c'est que tu m'as incroyablement manqué.

Je ne savais plus qui croire. Ma tête freinait des quatre fers. Je me répétais les paroles de Mei en boucle : ''C'est un beau parleur, il va vouloir te piéger à nouveau''. Pourtant, mon cœur me faisait lui aussi des remarques.

Il a l'air sincère. C'était des erreurs.

Je me giflai mentalement.

  • Si je te pardonnais, qu'est-ce qu'il se passerait ? On se remettrait ensemble, comme si de rien n'était ? Et Iris ? On inverserait les rôles, ce serait la cocue de l'histoire ? Très peu pour moi. Je ne suis pas ce genre de fille.

  • J'ai rompu avec Iris.

Je m'étranglai avec l'eau que je venais de boire. Je reposai brusquement mon verre sur la table et repris ma respiration avant de reprendre.

  • Vlady, je t'en prie. Dis-moi que c'est une blague.

  • Non. Je ne refais pas les mêmes erreurs éternellement. Je sors avec toi, et uniquement avec toi.

  • Mais on ne sort pas ensemble, bon sang ! C'est juste un dîner !

Il soupira et posa sa serviette sur ses genoux.

  • Tu ne comprends pas. Je ne suis pas seulement venu pour manger, je compte bien te récupérer, Elexa.

Me récupérer ? Je n'étais pas un objet ! Rageuse, je piquai une fraise dans mon plat et la portai à ma bouche. Je ne profitai même pas de son goût sucré et attaquai.

  • Je crois que c'est toi qui ne comprends pas. Je ne retournerais avec toi pour rien au monde.

Il releva la tête et planta son regard dans le mien. Je ne me dérobai pas et le fixai moi aussi, d'une œillade noire. Bientôt, ses traits s'adoucirent et sa main vint effleurer la mienne sur la table. Je la retirai prestement comme si j'avais été piquée.

  • Tu peux bien faire ce que tu veux, tu m'appartiens. Tu m'appartiendras toujours.

  • Tu n'es pas sérieux ?

  • Bien sûr que si.

  • Alors tu es vraiment, vraiment un idiot.

  • Je vois ton regard. Je vois comment tu réagis quand je suis là. Rien que ton apparence de ce soir, prouve que tu tiens encore à moi.

Je baissai les yeux sur ma tenue et retins une réplique cinglante. Il avait raison, je ne m'étais plus habillé comme ça depuis longtemps. Bon sang, je n'étais même pas sûre de mettre déjà pomponnée aussi bien. Mei avait passé plusieurs heures à me coiffer et me maquiller et je l'avais laissé faire. Pire, c'était moi qui lui avais demandé.

Mais pourquoi ? Une chose était sûre, ce n'était pas pour Vlady. Il ne le méritait certainement pas.

  • Tu ne pourras jamais te débarrasser de moi, tu m'entends ? Chuchota-t-il sur le ton de la confidence. Je pourrais bien faire ce que je voudrais, tu reviendras toujours. Comme tu l'as prouvé ce soir.

Et voilà. Il a enfin dévoilé son vrai visage.

L'homme avec qui j'avais discuté en début de soirée, je savais comment le gérer. Il m'était familier, je l'avais toujours connu. J'étais tombée amoureuse de lui. Mais le véritable Vlady était celui qui se trouvait à présent devant moi. Le manipulateur, l'autoritaire, le possessif. Et même s'il avait eu raison, j'étais bel et bien revenu vers lui, j'étais certaine de ne plus retomber dans ses filets.

Je déposai mes couverts et prétextai un besoin urgent pour m'éclipser aux toilettes. Certes, ce n'était pas très délicat, mais l'inspiration ne m'était pas venue sur le coup.

Après dix bonnes minutes de recherche, je finis par demander à un serveur le chemin. Quand il me l'eut indiqué, je fonçai, insensible à l'attention outrée que je provoquais. J'ouvris brusquement la porte, la faisant cogner contre le mur et attirant une nouvelle fois tous les regards sur moi. Je fis ce que je faisais depuis des années : je les ignorai. J'entrai dans un toilette, le verrouillai et me laissai glisser par terre. La tête entre les mains, je respirai lentement. Il me fallait juste quelques minutes. Peut-être quelques heures...

Kay avait raison. Je n'aurais jamais dû venir.

Kay...

Je fermai les yeux et me rappelai ces dernières heures. Son humeur légère quand j'étais venue le rejoindre devant la télé. La façon dont il avait eu de me calmer quand j'avais découvert la boîte, me serrant dans ses bras toute la nuit. Ses lèvres sur les miennes, me dévorant. Ses mains sur ma peau. Son regard qui me transperce. Sa colère quand je lui avais dit que je retrouvais Vlady ce soir. Sa voix rauque quand il m'avait vu dans la robe. Son souffle chaud dans ma nuque.

Nous étions en train de faire une bêtise. Bien que la pire, fût celle que je faisais en ce moment même, comme il l'avait prédit.

Quand je sortis finalement de la pièce, j'étais déterminée à affronter Vlady. Je me dirigeai droit sur lui et plantai mes poings sur mes hanches.

  • Tu me ramènes chez moi. Maintenant.

 

 

 

***

 

 

Vlady avait argumenté longtemps avant de se faire une raison. Il était redevenu le gentil petit gentleman et s'était excusé tout au long du trajet.

Je ne l'écoutais même pas.

Quand on arriva enfin, je tirai violemment sur la poignée alors que la voiture n'était toujours pas arrêtée. Malheureusement, la portière ne s'ouvrit pas. Je me tournai vers mon ex pour lui faire comprendre que tout était bel et bien terminé, me contentant de faire passer toute la haine que j'éprouvais pour lui à travers mon regard.

  • Avant que tu partes, je voudrais que tu saches que je suis vraiment désolé que cela se soit mal passé.

  • Je crois que tu l'as déjà dit plusieurs fois.

  • Et je crois que tu ne m'écoutais pas vraiment quand je te parlais.

Je ne répondis pas, cherchant parmi les dizaines et dizaines de boutons sur le tableau de bord celui qui me permettrait de fuir de cet enfer.

  • Tu pensais à lui, n'est-ce pas ?

Je le dévisageai, mimant la surprise, mais tout espoir de feinte était fortuit. Son visage à lui devait se refléter jusqu'à mes yeux. Il fallait que je lui parle.

  • Fais attention, Elexa.

  • Tu sais, les soldats qui ont vécu le Viêtnam n'ont plus peur d'un petit cambrioleur.

  • Il est loin d'être un petit cambrioleur. J'imagine que tu as vu l'effet qu'il faisait au Blue Lagoon ? Tu dois bien savoir que ses filles ne l'ont pas accosté comme ça ? Il n'a pas une belle réputation. Et pas que là-bas.

  • Et bien, cela vous fait un point commun.

Je jouais les durs, mais cela me mettait hors de moi. Je détestais penser à ses filles collées à Kay. Pire, je détestais penser à Kay collé à ses filles. Parce que oui, dans un sens, c'était bien pire.

Je n'avais pas vu Vlady se rapprocher jusqu'à ce que je sente son haleine mentholée. Il avait dégrafé sa ceinture et fixait mes lèvres.

  • Tu es une fille magnifique, Elexa Rack. Je ne veux pas que tu m'échappes. Je ne veux pas que tu ailles avec lui.

Kay avait prononcé exactement les mêmes paroles quelques heures plus tôt. Pourtant, l'effet qu'elles avaient eu sur moi n'était en aucun point semblable à celui-ci.

Mal à l'aise, je mettais le plus de distances entre lui et moi et tentais d'ouvrir la portière. Je n'eus pas le temps de trouver la poignée que déjà, elle s'ouvrait derrière moi. Vlady fut projeté de l'autre côté du véhicule, sa tête frappant la vitre côté conducteur. Immédiatement, des doigts trouvèrent le bouton de la ceinture et me sortirent du véhicule. Je reconnus immédiatement le torse contre lequel je fus plaquée.

  • Kay ! Cria une voix que j'identifiai comme celle de Mei. Ne fais pas de conneries !

  • Je ne sais pas si je vais pouvoir me retenir, siffla-t-il entre ses dents.

  • Je m'en occupe. Ramène Elexa à l'intérieur.

  • Je...

  • Fais ce que je te dis.

Après un dernier regard en direction de Vlady, Kay obéit à mon amie et rentra à l'intérieur, me serrant contre lui comme si sa vie en dépendait.

  • Kay, tu m'étouffes.

Il ne réagit pas et claqua la porte derrière nous. J'atterris soudainement sur le sol, pas très délicatement.

  • Hé ! Tu ne pourrais pas faire attention ?

Il se passa une main sur le visage et éclata d'un rire sans joie. Qu'est-ce qu'il lui arrivait ?

  • Attention ? Attention ! Tu te moques de moi ? C'est moi qui dois faire attention ? Ce mec allait peut-être te violer dans sa putain de caisse et la seule chose que tu trouves à me dire, c'est de faire attention ? Tu te fous de ma gueule ?

Je mis quelques minutes à me relever, sous le choc de la façon dont il m'avait parlé. Jamais, même quand il était très énervé, il ne s'était adressé à moi de cette manière-là, si brusque.

  • Je... Je vais bien, ok ?

  • Toi, peut-être, mais moi, je ne vais pas bien du tout ! Ça m'a rendu malade de te savoir avec lui ! Il aurait pu se passer des tas de choses et je n'aurais pas été là ! J'étais à deux doigts de passer tous les restos de ce putain de bled au crible !

Je restai bouche bée devant ses aveux. Comment voulait-il que je réagisse à ça, bon sang ?

Une fois n'est pas coutume, Mei débarqua juste à cet instant. Elle devait avoir un radar pour toujours arriver au mauvais moment -ou au bon, selon le point de vue. Je n'avais aucune idée de quoi lui répondre quand elle intervint.

  • Je crois que c'est bon, dit-elle. Il ne devrait plus traîner dans les parages pour un bon moment.

Son regard passa de moi à Kay plusieurs fois avant de pincer les lèvres. De mon côté, je ne le lâchai pas des yeux. Qu'est-ce qui pouvait bien lui passer par la tête pour être aussi rageur ? Je l'examinai attentivement et remarquai ce que je n'avais pas vu au premier abord. Ses yeux étaient injectés de sang, ses gestes étaient maladroits et il empestait le whisky à deux mètres.

  • Je crois qu'est arrivé le moment où je m'éclipse discrètement ...

  • Tu as bu ? M'exclamai-je, certaine de ma constatation.

  • Non.

  • Si !

  • Elexa, s'enquit Mei, je crois que vous devriez attendre demain pour discuter.

  • Non. Oh non, nous n'allons pas attendre demain, fis-je en fusillant Kay du regard.

Tous les signes étaient là : la violence, l'agressivité. Pourquoi je ne l'avais pas vu avant ? C'est à ce moment-là que je remarquai les bouts de verre éparpillés un peu plus loin. Je m'avançai dans la cuisine et découvris des dizaines de cadavres de bouteilles dans différents états. Certaines avaient été explosées par terre, d'autres simplement laissées en travers du chemin.

La vue d'un verre brisé avait toujours provoqué chez moi une montée de panique, se terminant souvent en crise d'angoisse comme celle d'hier. Pourtant, ce jour-là, la seule sensation que je ressentis face à ce cimetière digne d'un ivrogne fut la colère.

  • Elexa... Il n'était pas dans son état normal...

  • Arrête de le défendre, veux-tu ? Lâchai-je à l'intention de Mei. Qu'est-ce qui a bien pu te passer par la tête ? Ça va pas, non ?

  • Mei, souffla-t-il de sa voix pâteuse. Rentre chez toi. Merci d'être restée.

  • Je crois que...

  • Non. Rentre chez toi, confirmai-je. Ça risque de ne pas être beau à voir.

J'attendis qu'elle ait rassemblé ses affaires et qu'elle sorte de la maison pour attaquer Kay à nouveau.

  • Maintenant, on va parler.

 

 

 

Ps : Ça fait plusieurs semaines que je dois demander, mais j'oublie à chaque fois... J'ai reçu une demande d'une lectrice anonyme me demandant de prendre son blog sous mon aile ! J'en serais plus que ravie, le seul problème c'est que le lien que l'on m'a donné ne donne sur rien !! :/

Qui que tu sois, n'hésites pas à me contacter à l'adresse : lovelyuglyblog@gmail.com

(Et vous autres, n'hésitez pas à m'envoyer tout ce qui vous passe par la tête !! J'ai récemment reçu un superbe dessin que j'ai affiché dans la galerie photo : Cheese !! [Où l'on trouve aussi les photos des persos de mon point de vue ^^])


13/09/2014
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Chapitre 25 : Haunted

Et voilà, un petit chapitre avant la rentrée (Bouhouuuu T.T) ! Savourez-le, je risque (c'est même sûr vu mon emploi du temps --") d'avoir pas mal de ratrd ^^"

Bonne lecture !!! ;)

 

 

Chapitre 25 : Haunted

 

 

Kay

 

Je l'observai attentivement, guettant l'apparition du moindre symptôme synonyme d'une crise. Ce qu'avait dit Linaëlle avait été une véritable douche froide.

Quand le téléphone avait sonné, Elexa et moi étions emboîtés l'un dans l'autre d'une façon inimaginable. Je n'étais pas parvenu à fermer l'œil de la nuit, me contentant de veiller sur elle, traçant des courbes sur son visage, son cou, son épaule, la rassurant quand des sanglots agitaient son sommeil. Il aurait été impossible d'être plus proche. J'avais décroché vivement, espérant garder Elexa endormie contre moi, mais elle ouvrit les yeux à peine avais-je bougé. Quand elle comprit qui était l'interlocuteur, elle me fit signe de lui passer le combiné. Elle le prit et se tourna de l'autre côté du lit, loin de moi. Cependant, je fus incapable de me maintenir à distance quand sa voix se brisa. Je me collai contre son dos, passant une main sur son ventre et l'autre continuant à dessiner sur ses bras crispés. Je crus percevoir une légère amélioration dans le rythme effréné de sa respiration. Au moment où Linaëlle commença son histoire et que des larmes silencieuses roulèrent sur les joues d'Elexa, je sentis mon cœur se déchirer. Les pièces manquantes du puzzle se mettaient enfin en place tandis que je serrais Elexa encore plus fort contre moi -comme si cela aurait pu être possible. Sa main libre agrippa la mienne contre son estomac et me serra tellement fort que ses jointures en devinrent blanches. Quand tout cela fut fini et que Linaëlle retrouva son engouement naturel, j'étais à deux doigts de partir en vrille. J'en voulais à la terre entière. J'en voulais à sa mère qui avait arrêté de se battre. J'en voulais à son père de l'avoir abandonné. J'en voulais à Linaëlle de ne pas avoir eu le courage de mettre cartes sur table plus tôt. J'en voulais à son imbécile d'ex de l'avoir fait un peu plus souffrir. J'en lui en voulait à elle de s'être cloisonné dans sa peine. Je lui en voulais d'avoir repoussé les personnes qui pouvaient l'aider. Je lui en voulais d'être tombée amoureuse de ce connard sans fin.

Et surtout, je m'en voulais à moi. Je m'en voulais d'avoir accepté ce contrat. Je m'en voulais de l'avoir rencontré dans ces circonstances. Je m'en voulais de l'avoir jugé sans savoir ce qu'elle avait traversé. Je m'en voulais de l'avoir mis dans l'embarras le jour d'avant. Mais plus que tout, je m'en voulais de ne plus être capable de la laisser tranquille.

Quand sa tante eut raccroché, Elexa se tourna vers moi et planta son regard dans le mien. L'appréhension se lisait dans ses yeux. Croyait-elle sincèrement que j'allais lui faire la moindre réflexion après ce que je venais d'apprendre.

  • Je suis désolée.

  • De quoi ?

J'étais vraiment intrigué. Je ne voyais pas la raison de ses excuses.

  • Pour hier. Je suis désolée que tu m'aies vu dans cet état.

  • C'est une blague ?

  • Je crois que c'est ma réplique, ça, sourit-elle tristement.

  • Je refuse que tu t'excuses pour ça, Elexa. Il en est hors de question !

Elle fut surprise par mon brusque changement de ton et me regarda sans savoir comment réagir. Elle s'apprêtait à répondre quand je lui posai un doigt autoritaire sur les lèvres.

  • Le sujet est clos, tu ne me dois rien du tout et surtout pas d'excuses.

Je laissai lentement glisser mon doigt de ses lèvres, conscient que je risquais d'attendre un bon moment avant de toucher à nouveau sa peau douce.

  • Merci.

Je reportai mes yeux sur elle et distinguai dans les siens une lueur que j'avais déjà aperçue. Elle s'approcha pour mon planter un baiser sur la joue quand au dernier moment je tournai la tête pour capturer ses lèvres. Au début, elle ne bougea pas, surprise, mais ne me repoussa pas. Je me relevai légèrement et me déplaçai au-dessus d'elle, mes mains appuyées sur le matelas pour ne pas l'écraser sous mon poids. Elle répondit timidement à mon baiser tandis que ses doigts s'aventurèrent sur mon dos par-dessus mon tee-shirt et s'accrochèrent dans mes cheveux. Elle se fit alors plus téméraire et me laissai le champ libre. Immédiatement, ma langue se mêla à la sienne. J'étais impatient, fébrile, je voulais plus. J'explorai sa bouche jusqu'à la connaître par cœur, puis tirai sa lèvre inférieure qui me rendait fou quand elle se mettait à la mordiller.

  • Kay, souffla-t-elle.

Je déposais une pluie de baiser le long de sa mâchoire jusqu'à son oreille quand soudain elle s'écarta, ses mains sur mon torse. Nos respirations étaient chaotiques et mon regard devait exprimer bien plus qu'une simple attirance. De même que le sien.

  • Si tu continues de me regarder comme ça, je te jure que je t'embrasse jusqu'à en perdre haleine.

  • Je sors avec Vlady. Ce soir.

Cela eut le don de me refroidir instantanément.

 

 

***

 

Nous étions tous les deux assis à la table de la cuisine, moi fixant Elexa, elle fixant son bol de chocolat. Enroulée dans sa couverture, elle semblait bien trop vulnérable pour supporter toute cette peine. Après plusieurs minutes de lourd silence, je finis par exploser.

  • Est-ce que tu vas enfin me dire ce que c'est que ce bordel ?

Elle releva la tête et me fusilla du regard.

  • Tu veux que je te dise quoi Kay ? Que ma mère bipolaire s'est suicidée devant mes yeux ? Que mon père trop lâche pour me garder avec lui m'a abandonné ? Tu veux parler de ce bordel-là ? Je crois que tu es déjà au courant. Peut-être préfèrerais-tu parler de la réussite qu'est ma vie sentimentale ? Tu sais, mon mec qui me trompe depuis plusieurs mois. Mon mec qui me dit qu'il part faire un stage de rugby le soir de mon anniversaire et qui en fait va retrouver sa pétasse. Ah non, j'ai oublié, ça aussi, tu le sais déjà.

  • Tu as raison, je sais tout ! Je sais tout et pourtant je n'arrive pas à comprendre comment tu peux retourner vers lui ! Il t'a trahi, putain ! Qu'est-ce qu'il te faut ? Un panneau pour te désigner les imbéciles qui profitent de toi ?

  • Je crois que tu es mal placé pour dire ça.

  • Qu'est-ce que tu dis ? Hurlai-je, hors de moi. Tu ne peux pas me comparer avec cette enflure !

  • Ah ouais ? Pourtant il me semble que c'est toi qui m'a embrassé hier soir ! J'étais dans un moment de faiblesse et tu en as profité !

J'en restai bouche-bé. Se moquait-elle de moi ?

  • Je ne me rappelle pas que tu m'aies repoussé. De même que ce matin.

Elle se mordillai la lèvre, me faisant bouillir de désir et de rage. Je me levai et me dirigeai vers elle. Je me postai de façon à ce qu'elle ne puisse pas m'ignorer, bien devant elle.

  • Tu te voiles la face, hein ? Tu as apprécié ce baiser autant que moi et ça te fait peur !

  • C'est faux.

Elle planta ses yeux dans les miens et j'aperçus le mur qu'elle avait bâti contre le monde extérieur pour la première fois. Pourquoi seulement aujourd'hui ? Peut-être parce que j'étais parvenu à en abattre un morceau avant que celui-ci ne se renforce.

Cette barrière était sûrement la seule chose qui la préservait de toute cette douleur. Sa seule faille étant sa fragilité. À chaque coup reçu, elle souffrait. Ce vicieux poison se répandant brusquement dans tout son corps jusqu'à ce qu'elle parvienne à l'expulser et colmaté le trou. Malheureusement, les coups s'enchaînaient dernièrement.

  • Pourquoi as-tu tellement peur de souffrir ?

  • Parce que ça fait mal, lâcha-t-elle d'un ton sec. Ça fait tellement mal que je préfèrerais crever.

  • Certes, mais il y a un problème dans ton raisonnement.

  • Je n'ai pas besoin de tes conseils, Kay.

  • Le problème, continuai-je, c'est que l'on ne peut connaître la joie sans connaître la douleur. C'est ton problème.

  • Tu crois peut-être que je ne connais pas la douleur ? S'exclama-t-elle en rapprochant son visage du mien. Je vis avec elle constamment, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Je suis la douleur. Et la joie évite la douleur.

  • Tu ne vis pas avec elle, tu la renies, et c'est ça qui fait que tu as mal. Il faut que tu l'acceptes.

  • Tu dis cela comme si c'était une évidence ! Tu ne sais pas ce que c'est !

  • Tu as raison.

Elle fut surprise. Elle s'attendait peut-être à ce que je crie, comme elle. Mais j'en avais plus que marre de me battre. Je pris son visage à deux mains, la colère bouillonnant encore dans ses yeux.

  • Ne va pas avec lui.

  • Tu n'as pas à décider de ce que je fais.

  • Je ne veux pas que tu y ailles.

  • Je ne fais pas ce que tu veux.

  • C'est la plus grosse erreur de ta vie ! Tu le détestes ! C'est un connard ! Il t'a fait du mal !

Je sortais tous les arguments que je pouvais trouver. Elle pouvait faire ce qu'elle voulait, sauf retourner avec ce gars. Elle se dégagea et se tourna de façon à me présenter son profil.

  • Ça ne te regarde absolument pas.

  • Tu ne veux même pas y aller, sifflai-je entre mes dents.

  • Tu n'as aucune idée de ce que je souhaite.

Nous nous toisâmes longuement avant que je monte au premier, craignant de répandre ma fureur devant elle. Je voulais qu'elle m'insulte, qu'elle se défoule sur moi et qu'elle me dise d'aller me faire voir pour que le sentiment de possession qui s'installait lentement en moi disparaisse. Je voulais que ces larmes coulent pour que son corps soit débarrassé de toutes les peines qu'elle retenait en elle. Je voulais qu'elle les retienne pour que le lendemain, son visage ne soit pas marqué par l'enfer qu'était sa vie. Je voulais la prendre dans mes bras pour lui dire que tout allait bien se passer, que j'étais là pour elle. Je voulais la repousser et l'empêcher de m'atteindre comme elle le faisait déjà. Je voulais l'embrasser jusqu'à en perdre haleine et profiter de ce corps de déesse qui me tentait chaque jour.

Mais dans n'importe quel cas, je ne pouvais strictement rien faire. Parce qu'agir impliquerait forcément une révélation. Mon plus gros mensonge exposé au grand jour. Bam, un coup porté en plein cœur. Ça la briserait. Et il y avait de l'argent en jeu.

Je pivotai d'un seul coup et envoyai mon poing dans le mur de pierre. Ce dernier s'effrita un peu et quelques grains de poussière se détachèrent de l'ensemble. Ma main me faisait un mal de chien, mais je ne la regardai même pas. Cela ne m'avait même pas soulagé.

Elle était devenue plus qu'un challenge, la personne qui me résistait et que je voulais à tout prix faire craquer. Et c'est pour cette raison que je ne pouvais rien faire.

  • Parce que je ne suis qu'un sale con hypocrite.

 

 

***

 

J'avais appelé Mei. Je n'étais qu'un lâche, je le savais, mais je ne voyais pas qui pourrait lui sortir cette idée de la tête à part elle. À peine avais-je composé son numéro qu'elle était déjà à la maison.

  • C'est moi ! Vous aviez besoin de moi ? Ou je vous manquais déjà ? Trêve de plaisanterie, mes parents ont un peu râler mais ça m'avait l'air urgent alors... Et puis quand je leur ai dit que c'était une amie, ils ont été ravis pour moi et m'ont dit de filer. Pfiou, j'ai cru que je ne retrouverais jamais la maison ! Mon Dieu, Kay, qu'est-ce que tu as fait à ta main ?

J'agitai mon poing ensanglanté et répondis le plus calmement possible.

  • Ce n'est rien... Merci d'être venue.

  • Pas de soucis, Mei à la rescousse ! Fit-elle avec un salut militaire. Alors, quel est le problème ? L'exercice de maths ? Je lui ai dit qu'on ferait mieux de le faire ensemble, il était assez coriace ! Mais elle ne m'a pas écouté. C'est un sacré caractère celle-là... Oh non, j'ai compris ! Elle se sent mal, c'est ça ? Elle n'avait pas l'air au top hier... Elle est malade ? Elle est où ? Ma mère m'a donné des petits gâteaux, une vraie tuerie ! Ils sont succulents, il faudra vraiment que je pense à lui demander la recette...

Cette fille était incroyable. À elle seule, elle aurait pu faire la conversation pendant plusieurs heures ! J'avais l'habitude des filles bavardes, mais je n'avais jamais vu quelqu'un de similaire. Elle était montée sur pile. Je me demandai si elle était humaine... Elle me faisait penser à ces petits chiens qui sautent partout et jappent sans arrêt.

  • Elle est en haut, la coupai-je alors qu'elle semblait partie pour me parler de ses poissons rouges -comment en était-elle arrivée là?- qui allait devenir obèse si elle les nourrissait trop. Ne frappe pas. Elle fermera la porte à clé sinon.

  • Non, je ne monte pas tant que je n'en sais pas plus ! Pourquoi tu ne vas pas la voir, toi ? Oh, je sais ! Vous vous êtes encore disputés ? C'est pour quoi cette fois ? Tu sais que tu devrais vraiment t'occuper de cette main, mets un peu de glaces parce qu'elle gonfle à vue d'œil !

  • Je vais m'en occuper.

Je lui tournai le dos, ouvris le congélateur et en sortis quelques glaçons que j'enveloppai dans une serviette.

  • Tu n'as pas répondu à ma question.

  • Laquelle ? demandai-je en essuyant mes jointures ensanglantées.

Elle me toisa, les sourcils levés. Je soupirai.

  • Ouais, ouais, on s'est engueulé. À cause de son ex, ajoutai-je sous son regard insistant.

  • Je vois... Elexa ! Cria-t-elle.

Cette dernière sortit la tête de derrière sa porte, les yeux comme des soucoupes. Et dire que j'avais essayé de lui parler tout le matin.

  • Mei ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Elle me lança une œillade noire, certaine que c'était de ma faute. Et elle n'avait pas tort.

  • Descends ma belle, il faut que je te parle.

  • Mei...

  • Il n'y a pas de mais qui tienne !

  • Je n'ai pas dit ''mais'' ! S'exclama-t-elle.

  • Descends !

Elexa obéit, traînant des pieds jusqu'en bas des escaliers et s'assit finalement sur un tabouret à côté de moi. Je m'efforçais de ne pas la regarder, de peur de m'emporter à nouveau. Ou de ne pouvoir m'empêcher de la toucher.

  • Bien ! Fit Mei face à nous. Il faut que je te dise quelque chose Elexa.

L'interpellée releva la tête et remarqua le visage sérieux de son amie.

  • Ton ex, Vlady, c'est aussi mon ex.

Nos deux bouches s'ouvrirent de concert sous le choc. Jusqu'où s'étendait cette histoire ?

  • On s'est rencontré par le biais de nos parents et on a commencé à sortir ensemble, continua-t-elle. C'était il y a un peu plus de trois ans. On a rompu l'année dernière.

Les poings d'Elexa se serrèrent et elle respira profondément avant que Mei n'ajoute.

  • Je ne savais pas que c'était lui, Elexa. Tu ne m'avais pas dit son nom et je n'aurais jamais imaginé que ça puisse être lui ! Les probabilités pour que...

  • Il t'a trompé toi aussi, donc.

  • Oui.

Elle se prit la tête à deux mains et informa Mei de ses prévisions pour ce soir. Évidemment, celle-ci fut complètement contre et lui rappela toutes les horribles choses qu'il leur avait faites à toutes les deux. Mais Elexa ne voulut rien entendre.

  • Mais enfin, explique-moi ! Pourquoi tu veux retourner avec un gars comme lui ? Comment tu as pu accepter, seulement ? Je ne te comprends pas ! Il va te faire du mal, Elexa ! Je ne veux pas que tu souffres encore...

Si elle savait à quel point elle visait juste.

  • Je n'ai pas à discuter de mes choix. Je le ferais avec ou sans votre assentiment, ajouta-t-elle en me lançant un bref regard. Maintenant, j'aurais besoin de toi, Mei. Je veux que tu me rendes belle.

 

 

 

***

 

J'allais tout casser. Vraiment.

Quand Elexa avait lâché cette bombe, je m'étais de nouveau emporté  et nous nous étions de nouveau engueulés. Finalement, Mei avait accepté à contrecœur d'aider Elexa. Ce qui acheva de m'énerver un peu plus.

Elles avaient toutes deux décidé de se rendre au Brigs, le célèbre centre  commercial qui regroupait des centaines de magasins de prêt-à-porter, de coiffeurs et de cosmétiques.

  • On va avoir besoin d'un avis masculin, s'était enquis Mei.

J'allais vivement refuser jusqu'à ce qu'Elexa manifeste son désaccord. C'était ce qui m'avait décidé.

Je me retrouvais donc assis sur ses fameux fauteuils -ceux destinés aux maris entraînés dans ce temple de la femme- admirant le calme dont faisait preuve Elexa. Je m'attendais à ce qu'elle change d'avis en arrivant. Elle avait pâli devant l'immense structure mais ne s'était pas défilée quand elle avait remarqué mon petit sourire en coin. À présent, elle suivait son amie, portant une montagne de tenue qui ne cessait de grandir sur son bras, comme un bon petit soldat. Quand arriva enfin le moment des essayages, elle hésita un peu avant que Mei ne la pousse dans la cabine. Elle avait au total plus d'une dizaine d'articles à essayer, cela promettait d'être long.

Quand elle sortit pour la première fois de la cabine, moulée dans un pantalon bordeaux avec une petite blouse blanche, mes yeux s'arrondirent. Je n'avais jamais vu à quel point elle avait de jolies fesses.

Finalement, l'après-midi fut une douce torture pour moi. Chaque nouvel ensemble essayé mettait mes nerfs à rude épreuve. Lorsque Mei décréta que la prochaine robe avait absolument besoin d'une paire d'escarpins pour être sublimée, je me levai et m'approchai. L'attitude faussement nonchalante que je cherchais à montrer cachait en vérité la fébrilité de découvrir la prochaine tenue.

  • Je ne peux pas mettre ça ! S'exclama Elexa en sortant de la cabine.

Elle fut surprise de ne pas voir Mei, mais moi à sa place. Je l'admirai, quelque peu déçu bien que ses jambes sublimes soient découvertes.

  • Je ne vois pas vraiment ce que tu lui reproches... Elle est plutôt sage cette robe.

Elle lui arrivait un peu au-dessus du genou et ne dévoilait en rien sa poitrine généreuse.

  • Ah oui ?

Quand elle se retourna, je faillis m'étrangler avec ma salive. Bon sang, le côté pile était beaucoup moins sage que le côté face. Tout son dos était découvert jusqu'au bas des reins. Seule une minuscule chaîne reliait les deux pans au niveau de ses omoplates.

  • Je ne peux vraiment pas porter ça, impossible.

  • Non, tu as raison. Tu ne peux pas la porter.

Elle pivota brusquement dans ma direction mais retint sa langue quand elle surprit mon regard. Lentement, je me levai et m'avançai vers elle. J'étais si près que je pouvais sentir sa poitrine se soulever contre la mienne. Je poussai ses cheveux derrière son oreille et lui chuchotai d'une voix autoritaire et vibrante de désir.

  • Elexa, il n'est pas question que tu ailles voir ton ex ainsi. Je ne le supporterais pas.

Je m'écartai juste à temps pour que Mei ne nous surprenne pas. Elle s'émerveilla devant la coupe du vêtement et certifia que c'était la meilleure robe qu'elle puisse trouver.

Fébrile, Elexa ne pipait mot et continuait de me dévisager étrangement. Je crus mourir quand elle prononça ces mots :

  • Je la prends. C'est elle que je veux.

J'allais commettre un meurtre.


28/08/2014
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Chapitre 24 : Running out of time

Me voilà !!! Désolée pour l'attente, je pensais le poster plus tôt et, finalement, le temps m'a manqué ! ^^

Encore quelques infos (qui clarifieront un peu le côté brouillon de l'autre chapitre) et le retour d'un personnage : Lina !

J'espère qu'il vous plaira !

Bonne lecture ♥

 

Chapitre 24 : Running out of time

 

 

Linaëlle

 

Mon séjour était des plus agréable. Le temps était radieux, j'étais certaine d'avoir pris quelques couleurs ! Et cela faisait bien plus naturel que les rayons UV, bien que ces derniers soient d'une efficacité incroyable. Briac était, comme toujours, au petit soin pour moi. Nous passions vraiment des vacances délicieuses.

Seulement, en m'apprêtant à me coucher ce soir-là, je me rendis compte que cela faisait déjà une semaine que nous étions partis. Que le temps passait vite ! Me débarrassant de mes draps, je décidai de passer un coup de fil à ma petite chérie. Après plusieurs minutes de recherche -et l'aide de Briac- je finis par mettre la main sur ce maudit téléphone.

Je composai le numéro en vitesse et attendis qu'Elexa réponde.

  • Bonjour ma belle, comment ça va ?

Aucun son ne se fit entendre à l'autre bout du fil, outre le souffle de sa respiration.

  • Elexa ? Elexa, tu me reçois ? C'est Linaëlle !

  • Je vais vous la passer.

Mon dieu. Mais... C'était la voix de Kay que j'avais reconnue ! Kay ! Qu'est-ce qu'il se passait dans cette maison ?

  • Lina.

  • Elexa ! Pourquoi Kay a-t-il répondu à ton téléphone ? Vous êtes ensemble ? Oh mon Dieu, ce n'est pas du tout...

Je me retins de justesse. Un peu plus et je dévoilais mon plan. Fais un peu attention !

  • J'ai trouvé la boîte.

  • La boîte ? Quelle boîte ? Ne me dis pas que tu as trouvé ma cachette secrète ? Elexa, je te promets que tous ces chocolats ne m'appartiennent pas !

  • La boîte de maman.

Ça eut le mérite de me couper le sifflet. Bien sûr, qu'elle avait fini par la trouver. Encore une autre de mes manigances. J'espérais seulement qu'elle n'y prêterait pas trop attention.

Briac me serinait depuis des années pour que je lui en parle. Dès son arrivée en fait. Mais je n'en avais jamais eu le courage. Je me bornais à dire que c'était pour elle, qu'elle n'encaisserait pas le choc mais je savais qu'au fond, c'était moi qui n'encaisserais pas. J'étais incapable de remuer ce passé-là. Je préférais le laisser dans sa boîte, à l'abri de mon regard, plutôt que de le partager avec ma nièce. Je l'avais caché dans la salle de danse, sachant pertinemment qu'Elexa la verrait un jour. Et maintenant quoi ? Elle avait souffert sans savoir à quoi s'attendre. S'il y avait bien quelque chose que je me reprocherais jusqu'à la fin de ma vie, ça serait bien la lâcheté dont j'avais fait preuve à ce moment-là.

  • On doit parler ma chérie.

 

***

 

Sept ans plus tôt

 

Briac tentait pour une énième fois de m'enseigner le nom des plantes qui fleurissaient dans mon propre jardin. Bien entendu, c'était mission impossible. Lorsque la sonnette de l'entrée sonna, je m'attendais à voir mon directeur de casting pointer le bout de son nez. Si bien que quand j'ouvris la porte, je ne reconnus pas immédiatement l'homme qui me faisait face. D'immenses cernes encadraient ses yeux vides et injectés de sang, ses cheveux étaient sales et je doutais qu'il ne se fût rasé depuis plusieurs semaines. J'étais persuadé que si je l'avais croisé dans la rue, je lui aurais donné une pièce.

  • Papa, c'est qui la dame ?

Ce ne fut qu'à ce moment-là que je remarquai une petite tête blonde, accrochée tel un chimpanzé à la jambe de son père. Lorsqu'elle releva la tête, mon cœur manqua un battement. Ces yeux. Je les reconnaitrais entre mille.

J'examinai à nouveau l'homme à l'allure complètement ravagée et je l'identifiai enfin. Un horrible pressentiment naquit dans mon esprit.

  • Micha ?

Il hocha la tête et se pencha vers l'enfant.

  • Regarde ma puce, c'est la sœur de maman. Dis bonjour à Linaëlle.

  • Bonjour...

Contrairement à son père, la petite n'était pas du tout négligée, comme si Micha avait consacré ses dernières forces à soigner l'apparence de sa fille.

  • Où est Céleste ?

Il ne me répondit pas et continua à couver sa fille d'un regard tendre et affreusement triste.

  • Micha, où est Céleste ? Répétai-je un peu plus fort, la panique perçant dans ma voix.

Briac avait dû sentir que quelque chose n'allait pas puisqu'il se métamorphosa derrière moi et me prit par les épaules. Son soutien me rassura un tout petit peu. Si je m'effondrais, il pouvait me rattraper.

  • Elexa, tu ne veux pas aller avec Briac ? Il va te montrer pleins de fleurs, d'accord ?

La petite acquiesça et se dirigea vers le jardinier. Ce dernier m'interrogea du regard avant de partir main dans la main avec la prénommée Elexa.

  • Entre, soufflai-je.

Il me suivit jusque dans le petit salon et s'assit où il avait eu l'habitude de se poser, Céleste sur ses genoux. Avant qu'elle ne décide de déménager avec lui dans le Sud. Nous qui étions tellement fusionnelles, son départ avait été une véritable déchirure. Au début, nous nous appelions tous les jours. Puis, le boulot, les activités diverses et toutes ces choses nous avaient éloignées, jusqu'à ce que je n'eus plus de nouvelles.

J'observai l'être brisé face à moi, qui ne ressemblait en aucun cas au bel homme qui aimait ma sœur à la folie. Il planta son regard dans le mien et je pus voir toute la peine et la tristesse se refléter dans ses yeux.

  • Tu savais que Céleste était malade ?

Je secouai négativement la tête, dans l'impossibilité d'émettre le moindre son. Ce n'était pas possible, je la connaissais par cœur. Elle ne m'aurait pas caché quelque chose comme ça. Et pourtant, tu ne savais pas qu'elle avait eu un enfant.

  • Quel âge a la petite ? Demandai-je, évitant le sujet délicat.

  • Dix ans. Elle s'appelle Elexa.

Je me carrai dans le grand fauteuil blanc cassé et attendis la suite. Il triturait ses mains, ne sachant visiblement pas comment me dire la vérité.

  • Lina, commença-t-il doucement. Elle ne te l'a jamais dit mais... Céleste était bipolaire.

Tout s'effondra autour de moi. Non, ce n'était qu'une blague, hein ? Céleste allait surgir d'un seul coup dans la pièce en hurlant ''poisson d'avril'' ? C'était ça, hein ? Quel jour étions-nous déjà ?

  • Ce n'est pas possible, soufflai-je entre mes dents.

  • Elle l'était depuis toute petite, elle l'a toujours été.

  • Non.

Je n'y croyais pas. Maman avait été bipolaire et lorsqu'elle avait été diagnostiquée, nous avions toutes les deux subi toutes sortes de tests. Elle n'avait pas pu être positive. Impossible. Le médecin avait été formel, les chances d'hérités de cette maladie étaient plus que minces. Il nous l'avait dit !

  • Elle prenait un traitement mais, parfois, la maladie était plus forte...

  • Non, ce n'est pas possible, Micha. Ce n'est pas possible.

Je m répétais ces mots sans cesse, tel un mantra. Ce n'est pas possible, ce n'est pas possible, ce n'est pas possible.

  • Céleste est morte il y a trois mois. Elle s'est ouvert les veines.

  • Non, chuchotai-je. Tu mens. Ma sœur, ma petite sœur n'est pas morte. Tu mens !

  • Je suis désolé, sanglota-t-il.

Je comprenais à présent pourquoi ces joues étaient tant creusées. Les larmes qui coulaient de ses yeux avaient tracé des sillons profonds. Des sillons de tristesse. De mon côté, j'étais incapable de verser la moindre larme. Tout mon corps semblait vide, je sentais mes membres lourds, tellement lourds. Et mon cœur, si je m'étais préocupée de moi à cet instant-là, j'aurai juré faire un infarctus. L'organe se compressait jusqu'à devenir un minuscule petite boule perdue dans mon corps. Il naviguait, laissant un trou béant dans ma poitrine.

  • Je dois partir. Dis à Elexa que je l'aime et que je veillerais toujours sur elle.

Je n'eus pas la force de lui demander où il allait et encore moins de le retenir. Il se leva et s'éloigna jusqu'à ce que je n'entende plus le bruit de ces pas. Je peinais à respirer et sentais mon cœur battre dans ma tête.

C'est finalement là que tu t'es caché...

Alors que je croyais mourir sur place, une petite silhouette frêle s'agenouilla devant moi. Je relevai juste assez la tête pour voir son visage. Elle était le portrait craché de sa mère. Les mêmes cheveux fins et dorés, le même petit nez et les mêmes yeux. Ses yeux que j'avais toujours enviés à Céleste. Ses yeux qui étaient à présent bordés de larmes.

  • Ne m'abandonne pas, s'il te plaît.

  • Personne ne t'abandonne, ma puce. Personne ne t'abandonne.

Je la pris contre moi et la serrai dans mes bras. Je la berçai contre moi comme je le faisais avec sa mère. Ses larmes se tarirent et son petit corps chaud se détendit contre moi. Bientôt, elle s'endormit et je la montai dans ma chambre.

Lorsque je redescendis au rez-de-chaussée, j'étais prête à supplier mon beau-frère pour qu'il me laisse la voir plus souvent.

Je n'eus jamais à la faire. J'attendis son retour pendant des heures, qui se transformèrent en jours, qui se transformèrent en semaines.

Et la petite eut raison. Il l'avait abandonné.

 

***

 

  • J'ai très longtemps détesté ton père parce qu'il m'avait enlevé Céleste. Mais je l'ai aussi adoré pour ce qu'il m'a apporté. Toi.

Elexa n'avait pipé mot tout le long de mon discours et demeurait encore silencieuse.

  • Je me souvenais de sa mort, de sa maladie, mais pas de cette journée, finit-elle par dire.

  • Je crois bien que ce jour-là, tu m'as empêché de rejoindre ta mère là-haut. Je t'aime ma chérie, autant que j'ai aimé ta mère.

  • Lina...

L'émotion se faisait entendre dans sa voix. J'avais été plus que lâche.

  • Je crois que je suis comme elle, souffla-t-elle.

  • Oui, tu lui ressembles énormément.

  • Je voulais dire... Je crois que je suis malade.

Je restai bouche-bé devant son aveu.

  • Non ! Bien sûr que non !

  • Lina, s'il te plaît...

  • Non ! Je te dis que ce n'est pas possible !

Pas possible, pas possible, pas possible. Je respirai fort. Tu es Linaëlle Dularo, ressaisis-toi.

  • Les risques sont quasi-nuls. Quelqu'un l'aurait forcément remarqué. Tu n'es pas malade.

Même à l'autre bout du monde, je sentis qu'elle n'était pas convaincue. Je respirai profondément, sentant le chagrin et la peine m'envahir. Je fis donc la seule chose qui sauvait les pots cassés depuis tant d'années : je faisais bonne figure.

  • Dis-moi, comment avancent les travaux ?

 

***

Le reste de la conversation fut très vite mené, jusqu'à ce que je demande des informations sur Kay.

  • Il se débrouille comme il peut...

  • Comment ça comme il peut ? S'exclama une voix en arrière-fond. Je maîtrise totalement tu veux dire !

  • Ferme un peu ta grande bouche, souffla Elexa d'un air autoritaire.

  • Oui, chef.

Ils continuèrent de se chamailler pendant quelques minutes avant de se rappeler ma présence.

  • Lina... Pourra-t-on... Reparler de toute cette histoire plus tard ?

  • Des travaux ? Tu sais, il n'y a pas grand chose à dire... Une envie subite, un...

  • Je parle de maman.

Je retins ma respiration cinq secondes et lâchai un rapide ''oui'' avant de saluer tout le monde et de raccrocher.

Je ne me sentais pas capable de mener une telle conversation avec ma nièce. Chaque fois que je la voyais, c'était comme un coup de poignard. Mon cœur palpitait et mes pensées fusaient dans tous les sens. Regarde ! Tu savais qu'elle n'était pas partie. Micha avait tort !

Et puis, mon cerveau s'adaptait et je la reconnaissais. Je me calmais tant bien que mal et me dissimulais derrière mon masque. Alors quand Elexa était entrée en dépression, je fis tout en mon pouvoir pour la sortir de cet enfer. Tout. Parce que la dernière chose qu'il aurait été bien impossible à supporter, c'était de la perdre elle aussi.


 

***

 

J'étais restée à côté du téléphone, incapable de bouger. Briac me trouva ainsi, les yeux dans le vague et l'air abattu. Personne ne m'avait jamais vu dans un état pareil à part lui. Il s'approcha et s'agenouilla face à moi. Il posa tendrement un doigt sous mon menton et le releva pour que je le regarde. Une larme solitaire s'échappa de mes yeux et roula le long de ma joue. Il la cueillit et me prit dans ses bras.

  • Pourquoi je ne t'ai pas écouté... J'aurais dû... J'aurais dû faire ce que tu m'as dit. J'aurais dû parler avec elle...

  • Ce n'est plus le moment de penser à ça.

Il se leva, me gardant toujours dans ses bras et m'emmena dans ma chambre. Il me posa délicatement sur le lit, me borda et m'embrassa sur le front.

  • Comment fais-tu pour toujours me comprendre ?

Le regard qu'il me lança était à la fois doux et triste. Il me prit la main et déposa un autre baiser dans le creux de ma paume.

  • On comprend toujours ceux que l'on aime.

Il se leva et partit de ma chambre, après m'avoir souhaité une bonne nuit.

Je tournai et retournai ses paroles dans ma tête, jusqu'à être persuadé qu'il n'y avait pas de sens caché. J'étais trop épuisée pour réfléchir à ça.


22/08/2014
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Chapitre 23 : All of me

Un nouveau chapitre riche en informations ^^

Bonne lecture !

(Vous avez vu ? Pas de blah-blah :D)

 

 

Chapitre 23 : All of me

 

 

Elexa

 

J'avais décidé de raccompagner Mei jusqu'à chez elle, histoire de faire descendre un peu la pression avant de revoir Kay. Il était hors de question qu'il s'en sorte aussi facilement. Depuis quand intervenait-il dans mes affaires ? Et en quoi se permettait-il de se montrer possessif, comme si j'étais sa chose ? J'étais bien décidée à en découdre. Mon amie, elle, n'avait vraiment pas l'air dans son assiette, je la confiai donc à ses parents et décidai de revenir la voir plus tard.

Arrivée à la maison, mes jambes, mues par une volonté qui leur étaient propres, me conduisirent dans la pièce adjacente à la salle de bain. En y pénétrant, une multitude de souvenirs me percutèrent. Lieu de joie, de déception, de réussite et de blessures. Temple de la danse. Lina avait fait aménager la salle juste pour moi, pour que je me perfectionne dans cette passion qui me dévorait. Danser, c'est comme parler en silence. C'est dire pleins de choses sans dire un mot.

Je me déchaussai et avançai au centre de la pièce. Rien n'avait changé, comme si mes derniers étirements dataient de la veille. Les disques traînaient toujours au sol, éparpillés autour de mon poste en un désordre que déplorait Lina. La barre mobile grâce à laquelle je m'échauffais prônait toujours à quelques mètres de l'entrée. Les grands miroirs envahissaient toujours tout un pan de mur. Mes jambières étaient toujours où je les avais jetées quand j'avais remarqué que je n'avais plus le goût à rien. Tout était toujours au même endroit. Et pourtant, bien des choses avaient changé. J'inspirai comme je le faisais toujours pour me donner du courage. Toujours, toujours, toujours. Un mot que l'on employait si souvent.

J'appuyai sur le bouton. Lequel ? Qu'importe. Celui pour lancer la machine à café ? Peut-être. Celui pour allumer la lumière ? Sûrement. Celui pour sonner à la porte ? Certainement pas.

Tu es en train de perdre complètement la boule.

Mes pensées dépassaient tout, devenant du grand n'importe quoi, se mélangeant pour donner un long fleuve de chaos. J'avais beau avoir
décuvé, la migraine ne m'avait pas quitté de la journée. Ce devait être ça. Ça ne pouvait être que ça.

Bordel, Elexa ! Reprends-toi !

La seconde suivante, une pluie glacée dévalait sur mon corps tout habillé, parvenant à éclaircir mes idées.

J'avais embrassé Kay.

D'un seul coup, cette pensée avait jailli dans mon esprit, aussi limpide que de l'eau de roche. J'en étais persuadé. Toute la soirée de la veille me revint en mémoire et je hoquetai au souvenir de la passion de notre échange.

Je me secouai et sortis de la douche. Je m'enveloppai dans une grande serviette en éponge et m'assis à même le sol. Beaucoup de choses se bousculaient dans ma tête, mais l'ordre y était revenu. J'aurais même dit que rien n'avait été aussi claire depuis bien longtemps.

La soirée d'hier.

Ma rencontre avec Mei.

Ma tentative de suicide.

Je fermai les yeux. Kay avait eu raison. Je ne cherchai plus à nier, j'aurais aimé mourir cette nuit-là, ne pas sortir indemne de cet accident. Quant à ce que j'avais entendu ensuite...

Je me pris la tête entre les mains et me concentrai sur les évènements antérieurs.

Ma dépression et les centres. La fausse sollicitude des psychiatres qui ne pensaient qu'à l'argent qu'ils allaient empocher à la fin de la séance.

La trahison de Vlady et ma relation avec celui-ci. L'espoir d'être aimée par quelqu'un.

Papa. Son absence. Son abandon.

Maman... Un amour débordant, inconditionnel. Une vie rêvée avant l'enfer. La maladie. L'oubli.

La crainte incommensurable d'être comme elle.

Énorme bond dans le temps, retour à la soirée d'hier. La danse, mes bras enserrant Kay, mes lèvres sur les siennes, ses mains encadrant mon visage, les miennes dans ses cheveux. Nos souffles qui se mêlent...

Je faillis ne pas entendre le téléphone quand la sonnerie retentit dans le salon. Difficilement, je me redressai et me dépêchai d'aller répondre. J'étais vaseuse et pas sûre de pouvoir enchaîner plusieurs mots à la suite. Un numéro inconnu était affiché quand je décrochai.

  • Mademoiselle Rack ? Demanda une voix grave.

  • Oui ?

  • Docteur Rangrandt à l'appareil. Je suis en charge d'un certain Kay Serrano, êtes-vous de la famille à lui ?

Toute trace de nausée s'évapora et je repris alors complètement mes esprits.

  • Kay ?! M'exclamai-je, légèrement paniquée. Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ?

Notre dernière entrevue datait d'à peine une heure. Qu'avait-il bien pu se passer dans ce laps de temps. L'image de Vlady se rappela à moi.

  • Une bagarre, dit le médecin, confirmant mes soupçons. Il n'y a rien de grave, rassurez-vous. Il a seulement demandé à ce que cela soit vous qui veniez le chercher.

  • Quoi ? Mais pourquoi a-t-il...

  • Nous avons insisté pour qu'il soit raccompagné chez lui.

Je me mordillai la lèvre et demandai l'adresse avant de raccrocher. J'étais encore dégoulinante après mon expérience dans la salle de bain. Je devais pourtant me dépêcher d'aller à l'hôpital.

C'était bien le dernier endroit où je souhaitais mettre les pieds.

 

 

***

 

  • Ce n'est pas ce que tu penses.

Je serrai les dents et tentai d'ignorer l'énorme bleu qui s'épanouissait sur la mâchoire de Kay. Je haïssais les hôpitaux. Tant de souffrances consignées au même endroit... D'un signe de tête, j'enjoignis à Kay de me suivre. Malheureusement, j'étais apparemment vouée à rester dans ce bâtiment un peu plus longtemps.

Un homme d'une cinquantaine d'années m'interpella alors que Kay se levait du lit où on l'avait consigné.

  • Merci de vous être déplacée. Si vous pouviez nous accorder cinq minutes de plus, un autre patient vous réclame.

  • Un autre patient ?

Kay serrait les dents. Ne me dîtes pas... Mais la malchance semblait me poursuivre aujourd'hui.

  • Il s'agit de Vlady Betrui. Un autre ami à vous, je présume ? S'enquit-il, un sourcil levé.

  • Je vous suis, me contentai-je de répondre.

  • Elexa.

Mon colocataire m'avait aggrippé le bras et me regardait d'un regard suppliant. Je me libérai et lui demandai de m'attendre ici. Sans un autre regard, je me dirigeai vers la chambre attenante où se trouvait déjà le docteur.

Allongé, mon ex était manifestement bien plus amoché. Son visage était tuméfié et son bras prit dans un plâtre. Un élan de pitié m'envahit quand Vlady se risqua à me jeter un coup d'œil.

  • C'est avec un gars comme ça que tu veux être ? Raya-t-il du mieux qu'il put.

  • Je vais vous laisser, intervint l'homme avant que je puisse répondre. Pas plus de cinq minutes.

Je ne comptais pas demander plus.

  • Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

  • Ton copain ne te l'a pas dit ?

  • Ce n'est pas ce que je te demande.

Il me dévisagea comme s'il me voyait pour la première fois. Son regard me balaya avant de revenir sur mon visage.

  • Tu as changé.

  • Ce n'est pas non plus pour ça que je suis venue, répondis-je en levant les yeux au ciel.

  • Je sais, tu es venue pour moi.

  • Parce que tu as voulu que je vienne, rectifiai-je. Mais je vais partir si tu continues.

  • Non ! S'exclama-t-il. Non...

  • Qu'est-ce que tu veux Vlady ?

  • Je vais porter plainte.

Ma bouche s'ouvrit d'un coup. Qu'est-ce qu'il venait de dire ?

Dîtes-moi que je rêve... Cette journée aurait-elle pu être pire ?

  • J'ai été victime de coups et blessures, c'est mon droit d'exiger réparation, s'expliqua-t-il en haussant les épaules.

  • Il a aussi été blessé !

  • Légitime défense. Tu sais autant que moi que mon père parviendra à m'acquitter.

En effet, son père était un avocat renommé richissime. Il n'hésiterait pas à soudoyer quelques jurés pour être certain du verdict final. Même sans cette dernière préconisation, monsieur Betrui était quasiment garanti de sa victoire.

  • Sauf si...

Mon attention fut aussitôt captée. Ce qu'il cherchait indubitablement.

  • Sauf si tu acceptes de recoller les morceaux avec moi, proposa-t-il, un sourire malicieux plaqué sur les lèvres.

Ma nausée revint instantanément. Il ne pouvait pas me demander ça. Ce n'était pas possible ? Et sa poupée Barbie ? Où était-elle, d'ailleurs ? Je le considérai, un petit sourire aux lèvres et l'air victorieux. Je ne pouvais pas refuser et il le savait. Kay ne pouvait pas trinquer par ma faute. Ta faute ? Il s'est mis dans ce merdier tout seul ! Mais je savais qu'il avait fait cela à cause de moi. J'étais piégée. Il m'avait piégée.

  • Je te hais.

 

 

***

 

 

Lorsque je rejoignis Kay devant la voiture, mon humeur s'était considérablement dégradée. Bien qu'elle ne fût déjà pas très réjouissante à mon arrivée. J'étais à prendre avec des pincettes. Ce que n'avait visiblement pas remarqué Kay.

  • Comment es-tu venue jusque-là ? Demanda-t-il quand j'eus démarré.

  • En voiture, comme tu peux le constater.

  • Je voulais dire avec qui ?

  • Seule.

Je voyais très bien où il voulait en venir. Je n'avais juste pas envie de parler.

  • Tu n'es pas censé être avec quelqu'un de majeur ? Il me semble pourtant que c'est le but de la ''conduite accompagnée''.

  • Excuse-moi, je devais aller chercher la seule personne majeure disponible à l'hosto. Pas très responsable comme comportement.

  • Je ne suis pas ton père Elexa.

  • Tout comme je ne suis pas ta mère. Pourquoi tu m'as appelé ?

  • Je ne voyais pas qui appeler d'autre.

J'ignorai le fait qu'il me fixait depuis un moment et me concentrai sur la route.

  • Et bien au risque de me répéter, je ne suis pas ta mère.

  • Mes parents ne sont pas vraiment la porte à côté...

Il sembla réfléchir -wah, grande nouvelle, l'idiot était capable de réflexion, qui l'eût cru?- et s'enfonça dans son siège, conscient que je n'étais pas la seule personne disposée.

  • J'ai pensé que c'était la meilleure solution.

  • Pense mieux la prochaine fois.

Il reporta à nouveau son regard sur moi tandis qu'un petit sourire fleurissait sur ses lèvres.

  • On peut savoir pourquoi mademoiselle est de si mauvaise humeur ?

Alors ça, c'était la meilleure ! À croire que j'étais une enfant capricieuse qui boudait sans raison !

  • Pourquoi ? On m'appelle dans l'après-midi pour me dire que le gars qui s'est incrusté chez moi depuis la semaine dernière s'est battu avec mon ex et je devrais me pointer comme une fleur ? Je ne suis pas une sainte, je veux des explications ! Qu'est-ce qui a bien pu disjoncter chez toi ?

Certes, il n'y avait pas que ça, mais c'était déjà un bon début.

  • Tu changes constamment de comportement.

Je me crispai, retenant ma respiration. Tu n'es pas comme elle. Tu ne l'es pas.

  • Ce n'est pas le sujet.

  • Je n'aime pas ce type, finit-il par lâcher.

  • Ce n'est pas une raison, ça ! Tu crois que je frappe toutes les personnes que je n'aime pas ? Et je suis certaine que toi non plus. Enfin, tu n'es pas un mafieux ou quelque chose dans le genre ! C'est de la violence gratuite !

  • Oh non, crois-moi, elle n'était pas gratuite. Je lui ai fait payer et il me semble même qu'il me reste quelques intérêts pour le prochain round.

  • Tu es complètement fou. Et ton jeu de mots est nul.

Il me sourit et effectua une espèce de révérence.

Un silence s'installa tandis que les immeubles défilaient autour de nous. Après une grande inspiration -décidément, je ne faisais que ça depuis quelques jours- je me jetais à l'eau.

  • Je me souviens d'hier.

Ka reporta son attention sur moi, guettant ma réaction. Je crus même distinguer de l'appréhension dans son regard.

Un ange passa. Peut-être même deux ou trois.

  • Tu n'es pas fâchée ?

Je me retins d'éclater de rire. À croire que j'allais devenir hystérique, m'arrachant les cheveux et hurlant à la mort.

  • Je ne suis pas une prude, Kay.

  • Ah bon ?

Je lui balançai un coup de coude dans les côtes, ce qui le fit rire.

  • Je ne suis pas une exhibitionniste non plus ! Ni une libertine, contrairement à d'autre...

  • Aïe, se plaignit-il en se tenant théâtralement le cœur.

Je levai les yeux au ciel et me garai dans l'allée. Pour dire la vérité, j'étais un peu troublée. Un peu ? raya ma conscience. Très bien, j'étais complètement troublée, je ne savais absolument pas comment réagir. Mais je ne voulais pas ajouter un autre tiret à ma liste des reproches à faire à Kay.

  • Si tu conduis comme ça le jour de ton examen, tu es sûre d'obtenir ton permis.

Je le dévisageai. D'où venait ce revirement de situation ?

  • Tu peux aussi être sûre de te faire doubler par mon grand-père Lucien.

  • Crétin.

Je montai les marches du perron, le rire de Kay en fond sonore.

 

 

***

 

Après un rapide dîner, j'avais de nouveau rejoint Kay dans le salon. Oublier toutes ses frasques était d'une facilité déconcertante. Quelques heures plus tôt, j'étais bien décidée à lui faire sa fête et là je voulais juste passer un moment tranquille. Il avait raison, je changeais bien trop vite d'humeur. Non, non, non...

Un nouveau match de rugby était diffusé. Difficilement, j'essayai de m'intéresser et surtout de comprendre le but de ce jeu. Après plusieurs minutes d'ennui total, je pris la télécommande des mains de Kay et changeai de chaîne. Évidemment, Kay s'indigna et me lança un regard noir.

  • Sois gentille, petite Elexa. Rends la télécommande.

  • Non.

  • Non ?

  • Non.

Alors qu'il s'apprêtait à me sauter dessus pour récupérer le précieux boîtier, je me levai d'un bond et me précipitai hors de la salle. Il ne se fit pas attendre et s'élança immédiatement à ma poursuite.

  • Elexa ! Cria-t-il. Je ne vais pas jouer longtemps !

Prise d'une soudaine inspiration, je courus jusque dans la salle de danse, me réfugiai dans le grand placard et fis coulisser la porte. Je me laissai glisser contre celle-ci et me retrouvai assise par terre. Une grosse boîte jaune attira mon attention. Elle ne m'appartenait pas, j'en étais persuadée. Alors que tout mon corps me criait de ne pas satisfaire ma curiosité, je m'en emparais et soulevai le couvercle. Un nuage de poussière s'était élevé autour de moi, me faisant tousser comme une poitrinaire.

  • Trouvé ! S'exclama Kay, un immense sourire aux lèvres.

Je serrai tellement fort les documents entre mes doigts que je risquais fort de les déchirer. Kay dut s'apercevoir de mon brusque changement d'humeur car il n'ajouta rien et s'agenouilla calmement à côté de moi, me questionnant du regard.

Jaune. La couleur préférée de maman. La couleur du soleil, disait-elle. Tu es mon soleil, ma princesse. Je fixai la photo comme si ma vie en dépendait. J'étais incapable d'en détourner le regard. Mais qu'est-ce que cela faisait là ? Mon cœur s'emballa et les souvenirs remontèrent à la surface. Elle m'avait abandonnée. Un verre était brisé à côté d'elle. Elle m'avait laissée. Certains d'entres eux étaient maculés de sang. Son sang. J'étais seule. Son visage blanchissait à vue d'œil et son corps était froid. Elle avait choisi de partir, de me laisser. Seuls ses yeux étaient encore ouverts, une dernière lueur les éclairant. Elle m'avait laissée. Elle s'était excusée puis était partie. Partie. Envolée. Elle m'avait laissée seule. Soudain, je me levai et balançais tout dans la salle. Tout. La moindre petite chose contenue dans cette fichue boîte finit éparpillée dans la pièce. Je ne voulais pas. Non. Non.

S'il vous plaît. S'il vous plaît. Pas maintenant.

Je me laissai tomber à genoux, les larmes maculant mes joues, mes mains enserrant ma tête qui m'élançait. Papa n'était pas là. Je ne savais pas quoi faire. J'avais attendu. Longtemps. Je n'en pouvais plus. Je ne voulais pas. Je voulais que cela cesse.

Tout ce sang. Il y en a trop. Trop, trop, trop.

Ça faisait mal. Je n'arrivais pas à contrôler cette douleur. S'il vous plaît, faîtes quelque chose pour arrêter cette douleur ! Mes mains et mes genoux étaient écorchés à cause des éclats de verre. Cela me piquait, mais ce n'était pas de là que venait la douleur. Je la secouais. Encore et encore. Je voulais qu'elle se réveille. Du bruit. Des sons. On me parlait, mais je n'entendais rien. J'ai mal, je vous dis !

  • Elexa ! Cria une voix autoritaire. Regarde-moi bon sang ! Regarde-moi ! Maintenant !

J'obéis et tout s'évanouit. Plus de sang, plus de bruit. Juste la douleur. Je distinguai le visage inquiet de Kay derrière mes larmes, ses yeux verts me toisant. Ses mains étaient sur les miennes, de part et d'autre de mon visage. Je tentai de reprendre une respiration correcte mais mes hoquètements m'en empêchaient. Tout à coup, je sentis une bouche sur la mienne, une bouche puissante et rassurante. Mon corps était gelé, sauf en ce point de connexion par lequel passait toute mon angoisse. Ce baiser était d'une intensité incroyable, me faisant presque oublié ce qu'il venait de se passer. Il n'était pas passionné, il n'était pas doux non plus. Il était désespéré.

J'en voulais encore plus mais ce n'était pas moi qui maîtrisais cet échange. Kay se détacha lentement de moi et me prit sur ses genoux, ramenant ma tête contre son torse. Quelques larmes silencieuses mouillèrent son tee-shirt. Je me callai sur sa respiration tandis que mon cœur prenait le même rythme que le sien.

  • Respire. C'est fini.

Après plusieurs minutes, je me calmai enfin. Kay me souleva le menton pour pouvoir me regarder dans les yeux et essuya de son pouce les dernières larmes dévalant mes joues.

  • Kay... chuchotai-je d'une voix rauque.

  • Chut.

Il me planta un baiser sur le haut du crâne et me berça dans ses bras jusqu'à ce que je m'endorme.


16/08/2014
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